Le personnage de Peter Pan est plus ambigu qu'il n'y paraît au premier abord. C'est pourquoi, malgré les apparences, Peter Pan n'est pas uniquement un conte pour enfants, mais bien un récit précurseur du syndrome de Peter Pan. Évidemment, c'est un enfant qui refuse de grandir, mais ce n'est pas seulement l'enfant joyeux qu'il paraît.
Peter est très lié au Pays imaginaire ; il est le Pays imaginaire et tous ses personnages, les bons comme les méchants. S'il le quitte, le monde s'endort, la nature se fane et les Enfants perdus ne se battent plus avec les pirates. Tout change constamment à Pays imaginaire ; les Enfants perdus ne sont jamais les mêmes (quand ils sont trop grands, ils partent ou sont directement exécutés par Peter car « grandir est contraire au règlement »), les méchants changent (une fois que Crochet est tué, d'autres apparaîtront), les fées ont aussi une vie très courte, et les aventures s'enchaînent. Seul Peter Pan est immuable dans ce monde ; il est l'éternel maître du jeu, il est le jeu lui-même.
Peter Pan est défini à plusieurs reprises, à l'instar de tous les enfants comme « joyeux, innocent et sans cœur » : totalement égocentrique, il n'accorde que peu d'importance aux autres personnages, qu'il ne considère que comme ses faire-valoir. À la fin de l'histoire, il finit par oublier ses anciens amis (et ennemis), et les anciennes aventures qu'il a vécues sont perpétuellement remplacées par de nouvelles. Tout, à part lui, est interchangeable ; il va chercher les enfants génération après génération et oublie à chaque fois les précédents. Le personnage n'est d'ailleurs pas sans rapports avec celui du trickster (dont Till l'Espiègle est un grand exemple) décrit et analysé par Carl Gustav Jung.
D'un certain côté, on peut dire que le personnage le plus représentatif de Peter dans ce Pays imaginaire est le capitaine Crochet. Le capitaine Crochet est, en beaucoup de points, semblable à Peter
Ils se craignent mutuellement, mais ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre (écroulement de l'équilibre du Bien et du Mal). Il faut toujours que quelqu'un craigne un autre personnage ; Crochet craint le Crocodile, les pirates craignent les Indiens, les Indiens craignent les animaux sauvages, les animaux sauvages craignent les enfants, les Garçons Perdus craignent les pirates. Tout tourne en rond au Pays imaginaire, et chaque clan court à travers l'île de manière ininterrompue sans jamais se rencontrer. Et quand bien même Peter tuerait Crochet, Il prendrait aussitôt son rôle pour ne pas rompre l'équilibre de l'île, en attendant qu'un nouvel ennemi survienne. C'est d'ailleurs ce qui se passe.
Ils sont tous les deux seuls et sans amour. Crochet le sait très bien et réussit difficilement à vivre avec, mais Peter ne sait tout simplement pas ce qu'est l'amour (qui est tout proche de lui, grâce à Wendy qui, elle, se refuse à rester une enfant et entame ses premiers sentiments amoureux envers Peter). Pourtant, si on se réfère au type d'histoire qu'adore écouter en cachette Peter Pan, le soir sur le balcon de Wendy, ce ne sont « que des histoires d'amour se terminant par un baiser et où le Bien triomphe du Mal ».
Mais ce qui sépare le capitaine Crochet et Peter Pan est le vécu, le côté adulte. L'adulte est un pirate pour Peter.